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Titre : | Le développement du discours des personnes blessées psychiques : de lindicible à la métaphore (2023) |
Auteurs : | Frédérique Gayraud, Auteur ; Yann Auxéméry, Auteur |
Type de document : | Article |
Dans : | Annales médico-psychologiques (Vol. 181, n° 3, Mars 2023) |
Article en page(s) : | p. 216-226 |
Note générale : | Doi : 10.1016/j.amp.2021.12.002 |
Langues: | Français |
Descripteurs : |
HE Vinci Attentat ; Discours ; Guerre ; Psycholinguistique ; Représentation mentale ; Troubles de stress post-traumatique |
Mots-clés: | psycholinguistique traumatique (SPLIT) |
Résumé : |
Problématique
Malgré un intérêt sociétal croissant et un enrichissement progressif de la description séméiologique des troubles psychiques post-traumatiques dans les mondes anglophones et francophones contemporains, le sous-diagnostic et les diagnostics tardifs, au stade des souffrances intenses, restent nombreux. En effet, les origines post-traumatiques des troubles sont le plus souvent tues, du fait même de leurs caractéristiques cliniques souvent entendues comme « indicibles », tel que le dit la littérature. Comment parler de son trauma ? Est-ce vraiment possible ? Objectifs, matériels et méthodes Après explicitation des données linguistiques dintérêt concernant la production verbale normale, nous étudions les récits dévénements traumatiques produits par des personnes rescapées des attentats de Paris (attentat au Bataclan) et par des militaires souffrant de trouble de stress post-traumatique (guerre en Afghanistan) afin dauthentifier leurs dysfluences langagières (pauses non démarcatives, répétitions, énoncés incomplets) comparativement à un groupe témoin. Vers lobjectif de remédier aux ruptures discursives, nous précisons les stratégies spontanément utilisées par les patients pour franchir les difficultés de dicibilité de leur expérience traumatique (recours aux périphrases, métaphores, mots génériques). Résultats Considérant les dysfluences, notre hypothèse est partiellement vérifiée : les récits traumatiques contiennent significativement davantage de répétitions et dénoncés incomplets que les récits contrôles, mais aucune différence na été observée eu égard aux pauses silencieuses ou remplies. Concernant les stratégies adaptatives, les récits traumatiques contiennent davantage de périphrases et de métaphores, tandis que le recours à des mots génériques nest pas plus important que dans les récits témoins. Discussion La non-significativité des données concernant les pauses pourrait être conséquentielle à la taille de nos corpus, car une augmentation du nombre doccurrences de chaque dysfluence étudiée se sensibilise progressivement des témoins aux personnes blessées psychiques dattentats, puis de guerre, en suivant graduellement : énoncés incomplets, répétitions, pauses silencieuses, et enfin, pauses remplies. Cette majoration peut sexpliquer par la chronicisation des symptômes du trouble de stress aigu correspondant au corpus « Bataclan », jusquà un trouble psychique post-traumatique chronique présent depuis plusieurs années, comme chez les militaires interrogés. Nous pouvons donc faire lhypothèse dune typologie des dysfluences en fonction du degré de chronicité du syndrome de répétition traumatique. Eu égard aux stratégies palliatives, certaines métaphores utilisées par les patients blessés psychiques restent des métaphores au sens linguistique du terme, sans nécessairement devenir des métaphores au sens psychologique de la pleine accession au second degré, à la symbolisation, à lassociation de dimensions initialement dissociées par le trauma. Toutefois, dans le discours de certains patients, un gradient de métaphorisation, de limage traumatique littérale à la construction symbolique, semble exister, comme une voie vers la guérison. La métaphorisation apparaît constituer un outil permettant de surpasser les reviviscences. Ce nest ainsi pas tellement la thématique de la métaphore qui savère psychothérapiquement importante mais le processus même de sa formation. Conclusion Du défusing au débriefing vers les soins subséquents lorsque nécessaire, les principes classiquement promus par les psychothérapies concourent à un objectif commun : la symbolisation du traumatisme. Létude psycholinguistique apparaît ici un espace de recherche heuristique afin dexpliciter létiopathogénie, les formes cliniques et loffre de soins efficiente proposée aux patients souffrant de troubles psychiques post-traumatiques. Tandis que le syndrome psycholinguistique traumatique (SPLIT) témoigne de latteinte du langage constitutive du trauma, inversement, cest le langage déployé au cours de la psychothérapie qui permet de sextraire des reviviscences. À lheure où différentes « écoles » sannoncent concurrentes dans lunivers des psychothérapies (protocoles comportementaux et cognitifs, traitements par lhypnose, thérapies par mouvements oculaires, thérapies narratives, etc.), lanalyse de la restauration du langage pourrait unifier une conception spécifique de lapaisement des conséquences traumatiques tout en définissant des marqueurs linguistiques offrant dévaluer lefficacité des traitements recommandés. |
Disponible en ligne : | Oui |
En ligne : | https://login.ezproxy.vinci.be/login?url=https://www.em-premium.com/article/1576964 |