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Titre : | Identification des marques du traumatisme psychique dans le langage parlé : définition de léchelle diagnostique « SPLIT-10 » (2021) |
Titre original: | Identification of the marks of psychic trauma in spoken language: Definition of the SPLIT-10 diagnostic scale |
Auteurs : | Yann Auxéméry ; Frédérique Gayraud |
Type de document : | Article |
Dans : | Annales médico-psychologiques (Vol. 179, n° 10, Décembre 2021) |
Article en page(s) : | p. 869-888 |
Note générale : | Doi : 10.1016/j.amp.2021.08.015 |
Langues: | Français |
Descripteurs : |
HE Vinci Echelle d'évaluation ; Psycholinguistique ; Récits personnels ; Traumatisme psychologique ; Troubles de stress post-traumatique |
Mots-clés: | Syndrome psycholinguistique traumatique (SPLIT) |
Résumé : |
Problématique
Lespace de compréhension concernant les traumatismes psychiques sest considérablement densifié au cours des quinze dernières années jusquà entraîner une véritable révolution conceptuelle aux confins de notions psychiatriques, psychologiques, neurobiologiques, sociologiques, anthropologiques, etc . Toutefois, malgré tous ces enrichissements, notamment des descriptions séméiologiques dans les mondes anglophones et francophones contemporains, le sous-diagnostic et les diagnostics tardifs des troubles post-traumatiques (TSPT), au stade des souffrances intenses, restent nombreux. Soit parce que les origines traumatiques des troubles demeurent tues, du fait même de leurs caractéristiques cliniques, cest-à-dire « lexpérience indicible » constitutive de la dissociation dans le langage. Soit encore parce que le système de soin et les réseaux de praticiens se heurtent à des conceptions infranchissables lesquelles témoignent sans doute, sans le savoir, du processus psychotraumatique diffusant jusque dans les discours théoriques, au point de les rendre peu opérants. Lheure est à la construction dun nouveau modèle. Basée sur une méthodologie linguistique, létude standardisée informatique et manuelle du discours de patients blessés psychiques nous a récemment permis de définir la notion de syndrome psycholinguistique traumatique (SPLIT). Objectifs Notre nouvelle perspective nourrit pour ambition de dépasser les impasses diagnostiques et thérapeutiques auxquelles se confrontent encore trop de personnes blessées psychiques. Davantage objectifs que les approches séméiologiques et psychométriques, les marqueurs linguistiques ouvrent la voie au phénotypage digital du trouble de stress post-traumatique et permettent de mieux évaluer les soins recommandés. Après discussion des travaux précurseurs repérables dans la littérature, nous construisons un outil psycholinguistique permettant le repérage des sujets blessés psychiques. Matériels et méthodes Le matériau danalyse exploratoire comprend deux corpus de récits dévénements traumatiques nommés respectivement « Bataclan » (n =20 ; recueilli parmi des personnes rescapées des attentats de Paris en 2015) et « guerre dAfghanistan » (n =15 ; recueilli parmi des soldats français déployés) à partir desquels nous avons constitué un groupe de témoins appariés. Les récits ont été transcrits et segmentés en propositions afin de référencer les pauses silencieuses, les pauses dhésitation, les allongements vocaliques, les amorces de mots, les énoncés incomplets, les répétitions contiguës. Ont également été comptabilisées les caractéristiques de cohérence narrative, certains champs lexicaux (concernant la mort, les émotions, etc .), les données spatio-temporelles, les références à la personne (pronoms personnels et génériques notamment), et certaines figures de style. Afin de confirmer la validité de léchelle SPLIT-10, nous lavons testée sur deux corpus de récits traumatiques supplémentaires : le corpus « Nice » (n =20) recueilli dans les jours suivant lattaque perpétrée à Nice (14 juillet 2016) et le corpus « agression sexuelle » (n =20) composé de témoignages de personnes victimes dune seule agression sexuelle survenue à lâge adulte. Résultats Les analyses ont permis déliminer les caractéristiques non pertinentes soit parce quelles étaient non significatives, soit parce quelles étaient trop fréquentes et/ou en pratique difficilement discriminantes : lexique des émotions, temps verbaux, pronoms non génériques, cohérence narrative. Inversement, les critères apparaissant les plus pertinents afin de différencier les récits traumatiques et non traumatiques sont les suivants : lexique concernant la mort, les parties du corps et lirréalité ; verbes de perception, de mouvement ou de position du corps ; contexte spatial dont lappréciation des distances ; pronoms génériques ; mention de lheure et de la durée de lévénement ; énoncés incomplets ; répétitions contiguës ; métaphores. Afin de faciliter sa passation, nous retenons finalement une échelle à 10 items que nous exemplifions critère par critère, puis en test global. Nos résultats montrent que léchelle SPLIT-10 discrimine significativement les récits traumatiques des récits non traumatiques. Discussion Les items de la SPLIT-10 correspondent à 5 sous-syndromes psycholinguistiques : référence à la mort (item no 1), déréalisation (items nos 2 à 4), dépersonnalisation (items nos 5 à 7), reviviscences (items nos 8 et 9) et indicibilité (item no 10). Si ces items savèrent compatibles avec les critères du TSPT retenus par le DSM-5 (tout comme ceux concernant le trouble de stress aigu), les marqueurs linguistiques que nous avons identifiés apparaissent nettement plus détaillés et spécifiques du traumatisme psychique que les symptômes psychiatriques habituellement décrits. Au sens où elle rend précisément compte de la dissociation, la SPLIT-10 est syndromiquement davantage cohérente que la définition du TSPT dans la nosographie. Il conviendrait de répliquer notre étude par des corpus multicentriques plus vastes, notamment en contrôlant les comorbidités et les types dévénements traumatiques uniques ou complexes, et en focalisant sur les traumas survenant dans lenfance où le langage est en cours de construction. Aussi, le cut-off de la SPLIT-10 retenu à 5 pourrait être revu à la hausse, voir être adapté en fonction de la longueur de la production verbale. Enfin, il faudrait mener une analyse de faisabilité en pratique clinique courante mesurant lefficacité de praticiens formés à lutilisation de ce nouvel outil. Au-delà des 10 items que nous avons retenus, il apparaîtrait intéressant délaborer une échelle plus complexe en intégrant de nombreuses autres caractéristiques linguistiques utilisables à des fins de recherche fondamentale. Conclusion Autant quelle infiltre le discours théorique tentant de la saisir, la dissociation traumatique restait, jusquà il y a peu, une notion difficilement modélisable. Nouvelle conception de la dissociation, le syndrome psycholinguistique traumatique témoigne de la « blessure du langage » constitutive du trauma. La grille SPLIT-10 apparaît ici davantage objective que lanalyse clinique ou que les échelles et questionnaires basées sur la nosographie (lesquels appellent toujours lappréciation subjective des symptômes par le patient et/ou le praticien). Mais loin de dénier toute subjectivité, complétant les approches linguistiques lexicales et syntaxiques, lanalyse sémantique du discours pourrait également offrir de mieux caractériser la spécificité de ce qui a fait traumatisme chez un sujet singulier. Enfin, permettant de sextraire de la dissociation traumatique, lanalyse pragmatique de linteraction dialogique entre le patient et le clinicien savèrera fondamentale afin de comprendre les mécanismes thérapeutiques efficaces. |
Disponible en ligne : | Oui |
En ligne : | https://login.ezproxy.vinci.be/login?url=https://www.em-premium.com/article/1489021 |