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Titre : | Comment « défusionner » de la scène traumatique ? La pratique du « défusing » : trente ans de discours spécialisé psychiatrique et psychologique (2022) |
Titre original: | How do you defuse from the traumatic scene? The practice of defusing: Thirty years of specialized psychiatric and psychological discourse |
Auteurs : | Yann Auxéméry |
Type de document : | Article |
Dans : | Annales médico-psychologiques (Vol. 180, n° 2, Février 2022) |
Article en page(s) : | p. 107-118 |
Langues: | Français |
Descripteurs : |
HE Vinci Debriefing ; Psychothérapie ; Troubles de stress post-traumatique ; Troubles de stress traumatique aigusAutres descripteurs Urgence medico-psychologique |
Mots-clés: | Defusing |
Résumé : |
Background
Notablement organisés par les cellules durgence médico-psychologique (CUMP) dans notre pays, les soins immédiats proposés après confrontation à un événement potentiellement psychotraumatique ont pu faire couler beaucoup dencre entre ceux qui les adulent ou ceux qui les honnissent, autant dans la presse spécialisée quà travers les médias destinés au grand public. Pratique indispensable visant à traiter les blessures psychiques pour les uns, charlatanerie pourvoyeuse daggravation des symptômes post-traumatiques pour dautres, les recommandations médico-psychologiques sont longtemps restées sibyllines devant labsence détudes de niveau de scientificité suffisant. Trente ans après ses premières formalisations, aucune étude na proposé une synthèse critique de la notion de « défusing ». Objectifs Notre objectif principal est détudier le discours spécialisé concernant le « défusing » tel que défini et relayé par les psychiatres et psychologues au sein des revues de langue française. Nous cherchons à identifier les étapes de la construction de ce temps de soins, la maturation de sa pratique par synthèse du « défusing type » et, la théorisation de ses mécanismes thérapeutiques. Méthodes Les articles de langue française publiés entre le 1er janvier 1990 et le 31 décembre 2019 ont été sélectionnés à partir de linscription du mot-clef « défusing » dans cinq moteurs de recherche ainsi que dans les thésaurus de la bibliothèque interuniversitaire de médecine et de la bibliothèque centrale du service de santé des armées. Les données extraites associent : le nombre darticle(s) par année de publication, les noms des revues et les auteurs (équipe de recherche, lieu dexercice, statuts). Les titres, résumés et corps des textes ont été examinés par trois logiciels danalyse du discours avec quantification des unités textuelles et facilitation de retour au texte par mot-clef. Résultats Moins de 30 articles mentionnent la notion de « défusing » au sein de la littérature francophone dont seulement deux dans leurs titres et finalement, aucune référence ny est intégralement dédiée. Comparativement aux chapitres adjacents traitant de lorganisation des CUMP, de la clinique de lurgence, et du débriefing, les articles référencés abordent peu la notion de « défusing ». Si la conception de traumatisme psychique est vulgarisée par ses dimensions cliniques et étiopathogéniques (essentiellement psychopathologiques en faisant fi des aspects neurobiologiques ou socio-anthropologiques), la prise en charge immédiate nest quesquissée (par ses développements organisationnels, théoriques et pratiques). Toutes ces notions savèrent abordées de manière segmentaire via des paragraphes adjacents sans liens évidents entre eux. Fort peu darticulations sont avancées avec les concepts de psychiatrie ou de psychologie générale, ou encore linscription du défusing au sein dune théorie globale de la psychothérapie. Matérialisant de nombreuses répétitions littérales dun article à lautre, la synthèse organisant les données qualitatives dégageant la définition pratique du défusing se découvre assez brève. Toutes références confondues, seules quelques phrases abordant succinctement les notions de recouvrement du langage et de capacités de niveaux de représentation peuvent nous éclairer sur les processus thérapeutiques supposés. En outre, certains espaces restent à peine abordés : peu de mentions de traumas familiaux, silence relatif concernant les spécificités chez lenfant, absence détude scientifique intéressant lefficacité du défusing. Discussion Dans les textes référencés, si la part consacrée à lorganisation des soins est importante en volume, cest quelle participe conceptuellement à lapaisement par restitution dun environnement permettant de sextraire de la scène traumatique. Ensuite, lapparente simplicité des concepts thérapeutiques dévoile en réalité des prérequis cardinaux : analyse clinique, ajustage permanent de la bonne distance relationnelle, capacité à recevoir la souffrance dautrui, attention soutenue dans la durée, habileté technique notamment des mobilisations inter-transférentielles, aptitude à développer des facultés dadaptation. Lattitude et les mots du praticien se basent avant tout sur ses expériences de lanalyse clinique et des soins psychothérapeutiques en général . Voilà sans doute la principale raison dabsence détudes scientifiques sur le défusing confrontant aux mêmes difficultés matérielles que lévaluation des psychothérapies. Alors que seuls les facteurs non spécifiques defficacité des psychothérapies apparaissent aujourdhui reconnus, au premier rang desquels la souplesse du praticien face à ses référentiels théoriques, serait-il possible de reconnaître des principes spécifiquement effectifs au traitement des symptômes post-traumatiques ? Conclusion Si plusieurs auteurs rassemblent encore défusing et débriefing au point de parler de « débriefing immédiat et post-immédiat », la confusion induite nest peut-être que relative eu égard à des mécanismes thérapeutiques spécifiques visant à apaiser la dissociation. La parole constitue loutil, le ciment permettant de combler les fractures dissociatives, de relier les espaces psychiques, neuropsychiques et sociaux naguère disjoints. Incitée, voire guidée par le praticien, cette parole thérapeutique mérite à être qualifiée de « maïeutique », du nom de la science de laccouchement : la pensée ne sélabore ici pas antérieurement à son élocution, mais la parole inaugurale, au fur et à mesure quelle sénonce, crée la pensée. En « donnant » sa parole, en « prêtant » son langage, le praticien écoute activement la personne blessée psychique et la guide à trouver les mots quelle nest pas en capacité de prononcer spontanément. Grâce au développement dun discours en partie commun, issu de lintersubjectivité, se majorent les capacités délaborations et de mentalisations singulières, du côté du patient, et du côté du praticien, sans que les sens créés soient nécessairement les mêmes. |
Disponible en ligne : | Oui |
En ligne : | https://login.ezproxy.vinci.be/login?url=https://www.em-premium.com/article/1500413 |