| Résumé : |
Les dépendances sont, avec la dépression, les "maladies" emblématiques de notre société de consommation, de valorisation de l'individu et de sacralisation du plaisir, comme l'hystérie, au XIXème siècle, avait pu symboliser une société "victorienne" de retenue, de maintien, de contrôle de soi, bref, de refoulement... Dans ce contexte, la notion d'addiction, remplaçant les toxicomanies ou les dépendances, risque de comporter les mêmes dangers : ceux de l'opacité artificielle, liée à une forte surdétermination par des représentations sociales liées aux notions de faute et de volonté, comme ceux de la fausse transparence, de l'évidence existentielle apparente d'un vécu universellement partagé... Les addictions seraient ainsi à la fois mystérieuses et inquiétantes, comme l'héroïnomanie, et familières et banales, comme la dépendance à la télévision... Nous tentons donc, dans cet ouvrage, d'étudier, à partir des formes les moins discutées de "pathologies", les questions de frontière entre normal et pathologique, et les principaux modèles proposés. L'histoire des diverses formes d'addiction montre que la construction des dépendances en tant que maladies n'efface pas le caractère sacrilège, puis immoral, de conduites stigmatisées depuis la nuit des temps : au tabou de la "drogue" se relient ceux de la nourriture, du sexe, de l'interrogation des oracles à travers le jeu de hasard... Entre symptôme et processus, l'étude des mécanismes des addictions montre l'intrication des dimensions "symptomatiques", liées à l'histoire individuelle, et au mieux abordées par la psychanalyse, et des dimensions processuelles, souvent, et parfois hâtivement, ramenées à la biologie. C'est en cela que les addictions peuvent conduire à reformuler les approches de la psychopathologie, et de la souffrance psychique de façon générale. L'exemple des addictions sans produit est à cet égard d'une particulière importance : le jeu pathologique, mais aussi certaines formes de troubles des conduites alimentaires présentent la même intrication de problématiques, sans pouvoir simplement être ramenés à un processus biologique. La question du lien entre risque et conduite addictive illustre aussi cette dialectique, à travers l'opposition entre la notion de recherche de sensations, et celle de conduites ordaliques. Un modèle liant ces dimensions apparemment contradictoires pourrait conduire à élargir le cadre des addictions, posant des questions sur des formes limites de pathologie, comme le crime en série, etc. |
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Faire une suggestion Affiner la recherche13 novembre 2015 in Rééducation orthophonique, Vol. 60, n°290 (Juin 2022)
Les addictions [dépendances, toxicomanies : repenser la souffrance psychique] (2002)
